Olivier de Serres et le Domaine du Pradel

La mémoire du sol, ou comment créer un jardin didactique à partir de fouilles archéologiques.

Interview par Denise Menu (CRIPT Rhône Alpes Ingénierie culurel)

1 – Sur quels documents vous êtes-vous appuyé ?
Sur l’étude de l’Ecole Nationale d’Architecture de Versailles de 1996, pour ses analyses paysagères.
Sur l’Etude Archéologique d’Anne Allimant de 2001 et sur le Cahier des Charges de 2002.

2 – En quoi vous êtes-vous inspiré de l’œuvre d’Olivier de Serres ?
« Le théâtre de l’agriculture et ménage des champs » est une source inépuisable pour toute personne s’intéressant à la terre, c’est un recueil extraordinairement complet, des techniques agricoles mais aussi des questions à se poser pour tout projet d’aménagement; « Ménage » a donné le mot, « aménagement » il est à comprendre en ce sens. C‘est un plaisir à lire aussi, on sourit bien souvent, c’est une leçon d’attention au fait naturel. Sa langue est évocatrice et a été pour nous un moteur de projet. Il nous a semblé essentiel de travailler à la diffusion de la connaissance de son travail. Le jardin en est l’outil incontournable. 
Notre proposition de création a été de travailler en référence à l’œuvre écrite d’Olivier de Serres sans reconstituer pour autant son propre jardin.

3 – Quel lien y a-t-il entre votre proposition de création de jardin et l’œuvre d’Olivier de Serres ?
Notre propos est de faire connaître son œuvre à travers un jardin contemporain situé dans le jardin clos; d’en donner là, les éléments de lecture et de compréhension. 
Très peu de traces rendent aujourd’hui possible la perception de son travail. Sur le site, cohabitent plusieurs fonctions, plusieurs usages et il est bien difficile d’imaginer sa présence. Pourtant ce lieu est son terrain d’expériences, sa situation géographique ne peut pas être anodine. Alors en quoi l’aménagement de ce site était-il porteur d’idées si novatrices pour son auteur ? Et comment les rendre lisibles actuellement ?
Le projet se décline donc en réaffirmant les éléments d’histoire, en dégageant l’espace autour de la bastide de façon à libérer le sentiment de temps historique en soulignant tout ce qui a 400 ans: la mère des fontaines, le bois de chênes … afin de laisser la place à l’imagination.

4 – Evocation des traces archéologiques et mise en perspective d’un jardin école. Mode de faire valoir de ce qu’a apporté Olivier de Serres : évolution et présentation des techniques agricoles.
Le jardin clos est présenté comme un lieu réservé, dans lequel est présenté un espace protégé et inaccessible en référence au chantier de fouilles. C’est un inventaire des techniques de jardinage et des découvertes d’Olivier de Serres qui peuvent laisser des traces, un répertoire du travail du sol depuis 400 ans. Son aspect est un tapis de matières végétales et minérales dont un index donnera un sens d’interprétation. Son dessin s’inspire des relevés de fouilles archéologiques d’Anne Allimant. Sa forme irradie vers le domaine et donne structure à un étui de jardins autour de la bastide.

5 – Rapport intrinsèque pour Olivier de Serres entre le jardin et la maison. 
Réel besoin de connaissance et réappropriation du vivant – lieu de médiation pour deux types de publics :
de formation continue pour des connaisseurs techniques
de permettre le lien entre un savoir, les outils,et leur application
un jardin en dynamique 
Il est intéressant de comprendre sur le site la différence d’échelle de production, c’est le réel tournant proposé par Olivier de Serres. Aussi la production du domaine et du jardin n’est pas la même. Le jardin est lié à la maison, à la vie de famille. Olivier de Serres parle du sien comme d’un lieu où l’on doit pouvoir trouver un peu d’intimité par rapport à la vie du domaine. Ce n’est pas ce versant qui nous a orienté dans l’aménagement, mais il permet de comprendre comment un jardin est lié à son auteur et surtout à son jardinier, à ceux qui en jouissent. Il prend du sens par son usage. Ce qui ne pouvait nous orienter vers une reconstitution, qui aurait été de plus, très hypothétique.  
Par contre l’agronome est un élément de référence essentiel aujourd’hui : s’il est considéré comme le père de l’agriculture moderne, il pourrait surtout représenter pour chacun de nous en rupture avec notre histoire agricole, un grand-père idéal.
La connaissance de son livre et sa compréhension mise en pratique peuvent vraiment venir combler ce désir de se réapproprier le vivant.
Notre projet s’axe aussi sur la création d’un verger, mémoire de la collection de poiriers et de pommiers d’Olivier de Serres. Il sera un inventaire de références des techniques de taille et de greffe. Il pourra créer une dynamique autour de la préservation du patrimoine végétal et des techniques agricoles ainsi qu’un laboratoire d’échanges et de formations. 


6 – Ambition d’un tel projet devenir un lieu de réflexion permanente sur l’agriculture s’appuyant  sur le jardin.
L’histoire de ce lieu, la présence réaffirmée de l’œuvre d’Olivier de Serres et l‘enjeu du projet réalisent un support formidable pour la création d’un centre de références, de réflexions et de débats sur les questions liées à l’agriculture, à l’environnement et leurs évolutions.

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